La résilience ne nous sauvera pas

Les Îles se meurent. Que peut ce sable, si merveilleux soit-il, contre la tempête? L’eau monte. Les falaises s’écroulent. Les dunes s’effritent. Puis le calme revient. Nous avons l’impression que tout rentre dans la normale. Mais non. Ce n’est qu’un début et nous demeurerons résiliés. Je l’ai déjà écrit sur Les Trames, les Madelinots et Madeliniennes m’ont redonné espoir en la communauté. Il y a ici cette belle résilience à ne jamais vouloir abandonner.

Ce genre de tempêtes, c’est un avant-goût de ce qui s’en vient, dit-on. Ce sera partout sensiblement pareil. Des catastrophes qui laissent impuissants. Les changements climatiques, nous ne pourrons pas dire qu’ils nous auront pris par surprise. Résiliés à combattre. Les Insulaires : ces Spartiates.

Mais quel est donc ce combat à mener? Sur plusieurs fronts, l’humanité est assaillie dans cette guerre qu’elle a elle-même provoqué. D’une part, la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre n’est même pas proche d’être gagnée. Pour chaque avancée écologiste, le capitalisme conquiert un nouveau puits pétrolier, achète un politicien, détourne la vérité dans les médias. D’autre part, on voudrait nous convaincre que chaque geste compte. J’en doute.

Pendant que le monde vire fou, nous voulons garder le petit peu de bon sens que les Îles nous offrent. Ce coin de paradis fragile, qui alterne entre des étés mielleux et des hivers difficiles, mérite d’être défendu.

C’est là qu’un paradoxe immense survient, où la résilience n’est plus une solution viable, que notre sens inné de préservation nous pousse encore plus prêt du gouffre.

Pour se défendre il nous faudra des lignes électriques souterraines pour vaincre le vent, des ponts pour enjamber les lagunes qui s’étendent, des digues pour contenir la montée des eaux, des brise-lames pour casser les vagues de plus en plus puissantes, des réserves d’eau potable pour ne pas en venir à boire l’eau de mer, des antennes satellites pour ne plus être isolés, des routes à réparer, un hôpital à déplacer… Tous ces besoins auront leur propre coût, non seulement économique, mais laissera invariablement son empreinte écologique. Je pense à tout ce qui nécessitera l’utilisation du béton, l’un des produits le plus nocifs pour l’atmosphère terrestre.

Combattre nous demandera donc collectivement d’assumer une chose difficile à accepter. Afin de préserver ce que nous avons, ce que les générations ont mis en œuvre pour atteindre un niveau de vie moderne, été comme hiver aux Îles, ça prendra des investissements en infrastructures qui participeront à une augmentation significative de la pollution. Pendant que nous nous réjouirons du câble électrique et du remplacement de l’usine thermique, fermerons-nous les yeux sur le reste? Aujourd’hui, j’avais simplement envie de cesser de fermer les yeux. Sans juger personne, simplement être honnête : il est trop tard comme le dit Harvey Mead. Et je n’ai pas envie de jouer à l’écologiste de service, qui pense que son sac réutilisable a vraiment fait une différence.

Et n’allez pas croire que je pense que les Îles seront seules. Ce sera partout pareil. Les villes côtières vont se défendre, et cette défense coûtera cher.

La terre n’a jamais été en danger. Ce sont nos propres vies que nous mettons en péril. Et la semaine dernière, la mer nous l’a rappelé.

Est-ce que notre résilience nous poussera, dans les décennies à venir, à fortifier les Îles. Ou bien nous la laisserons s’effriter? Poser la question c’est y répondre. Et cette réponse, me confirme vraiment pourquoi, au final, l’humanité n’a rien fait de concret pour freiner les changements climatiques.

Sur ce, j’aimerais vous laisser sur cette découverte bluegrass de la pièce Time de Pink Floyd:
And you run, and you run to catch up with the sun, but it’s sinking

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