Noces de chypre

Le mois passé, j’ai fêté le sixième anniversaire de mon retour aux Îles après un exil de huit ans dans la métropole pour mes études universitaires. J’étais bien à Montréal. Je vivais dans un bel appartement sur l’avenue Jeanne d’Arc, en face du Jardin botanique et du Stade olympique, à quelques pas de la station de métro Pie-IX. J’ai profondément aimé la diversité, le bouillonnement culturel et la vie nocturne que m’a offerts Montréal, en marge du bac, puis de la maîtrise en études littéraires.

J’étais bien à Montréal. Mais chaque début mai, la nostalgie de la mise à l’eau des cages à homard me saisissait le cœur. La nuit écourtée pour arriver à temps à Grande Entrée, les quais grouillant de monde, fébriles et festifs, les bateaux pleins à craquer de cages, les feux d’artifice, le signal du départ, la course folle de nos valeureux pêcheurs s’élançant vers leurs fonds de pêche, le copieux déjeuner pris en famille ou entre amis à l’Auberge la Salicorne.  C’est si beau de voir la communauté réunie pour encourager les pêcheurs et célébrer le retour de la belle saison. Cette tradition est précieuse et fait partie de ces moments qui rendent la vie insulaire absolument extraordinaire.

Chaque printemps, je me disais que j’aurais dû essayer de vivre un été à Montréal, de profiter des glissades d’eau et des festivals du continent. Pourtant, dès que la fin de session achevait, je ressentais beaucoup trop fort l’appel du vent du large sur ma peau, des baignades dans les vagues énormes de Pointe-aux-Loups, des feux de la pleine lune, des plongeons du haut des caps de grès rouge, de la scène du Centre culturel de Havre-Aubert, des crèmeries chères à ma gourmandise, du vol des libellules, de l’ascension des collines verdoyantes, des sessions d’écriture au salon de thé d’Arthure, des châteaux de sable, de l’ambiance particulière et des gâteaux sous la cloche du Café de la Grave, des après-midis en bateau, des petits fruits des champs qui se cueillent comme un trésor, du règne d’Émile le chat sur La Grave, des randonnées à travers les conifères du P’tit Bois, des rosiers de La Côte, des couchers et des levers de soleil sur l’horizon, des bains de minuit et des pluies d’étoiles filantes. En huit ans, pas un seul été à Montréal. Et je ne regrette rien. Tout comme je ne regrette pas d’être revenu m’établir aux Îles en 2015. 

Je vis dans une belle maison jaune au bord de la mer, à Portage-du-Cap sur l’Île du Havre-Aubert. J’ai une vue magnifique sur l’île centrale, la Baie de Plaisance et l’Île d’Entrée. Je suis propriétaire d’une bouquinerie, L’Île du Livre, et j’ai un poste de correcteur et de chroniqueur au Radar, l’hebdomadaire local. Si la vie est assurément moins effrénée que dans la grande ville, elle n’est cependant pas moins bien remplie. Même l’hiver. Ce n’est pas parce que cette saison est moins effervescente que l’été qu’elle est « morte ». Ceux qui le veulent vraiment peuvent hiberner dans leur coin, mais sinon, il ne manque pas d’opportunités sociales ou d’activités culturelles pour égayer nos temps libres.

C’est sûr que cette année, la pandémie a bouleversé un peu les choses. J’ai dû faire mon deuil des habituels soupers en famille à jouer aux cartes, des partys de cuisine entre amis, des soirées de quizz du bar Le Central ou de karaoké du Débarris, des spectacles variés des salles du Vieux Treuil ou des Pas Perdus et des bains libres de la piscine, mais je ne les apprécierai que davantage lorsque nous pourront à nouveau nous y adonner, et ce, même si certaines mesures sanitaires demeurent. Je me suis rabattu sur mon côté ermite et créatif, privilégiant la lecture, l’écriture, l’écoute de films et de séries, les jeux vidéo, les marches sur la plage ou dans les sentiers pédestres, le patin sur les lacs gelés, les longues conversations téléphoniques et toutes les opportunités numériques qui ont émergé sur les réseaux sociaux.

Le mois passé, j’ai fêté le sixième anniversaire de mon retour aux Îles, mes noces de chypre avec Madeleine. Et même en pandémie, c’est toujours la lune de miel.

La trame : Si j’avais à me marier un jour, j’ai toujours dit que j’aimerais ouvrir le bal du party de noce en dansant sur la superbe valse composée par Joe Hisaishi pour le thème principal du film d’animation Le Château ambulant du maître Hayao Miyazaki pour le Studio Ghibli en 2004.

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