Chasser le sommeil dans une petite serre

Prison de lumière
Bouscueil de l’Étang-du-Nord

 

 

T’es couchée, de tout ton long dans une neige plutôt réconfortante.
Tu t’enfonces légèrement dans le géant tapis blanc.
Tu me laisses m’installer à tes côtés?
Qu’on soit là, déposés.
Comme sur une nouvelle planète.

Des heures sans bouger.
À fixer le ciel.
Les nuages qui dansent.
Les oiseaux qui, encore, voyagent.

On reste là des heures.
Dans le plus grand des conforts.
Je sais que tu souris, tes joues rouges gonflées de bonheur.

On se connait depuis peu, faut se le dire.
Tu me parles de ta famille.
J’écoute.

Tu me fais vivre un léger voyage.
Tu viens de me faire rêver à ma grand-mère.
À celle que je n’ai jamais connue.
À celle à qui tu m’as donné la curieuse envie de tout raconter.

Alors je te raconte des histoires.
Je te parle de ma famille.
De mes Îles-de-la-Madeleine.
D’une enfance heureuse, au chez soi réconfortant.
De tous ces jours ou on s’inventait des mondes, dans le bois, sur la plage, dans les champs.
Tu me donnes envie de rencontrer ma grand-mère Cécile, de lui faire des tonnes d’aveux.
Et je découvre que ta grand-mère s’appelle Cécile aussi…
Ma grand-mère, je ne l’ai jamais connue.

J’aimerais lui raconter que j’ai eu les plus belles écoles, j’ai connu et gardé les meilleurs amis, vécu et envie de fantastiques voyages, et grandit dans une famille touchante et solidaire.

On est toujours écrasé là.
Dans l’immense poudreuse.
Le jour a déjà pris des airs de fin. La nuit se fait.
Une neige violette, et les souvenirs qui s’émiettent.

Je sais que tu souris, tes joues rougies comme une fleur.

Tu tiens ma main.
Avec, je construirai un monde, quelque chose comme une maison.
Bâtirai une serre.
Ou j’irai passer du temps à t’écouter. Parler de plantes. De saisons, de recommencements.

J’apporterais le thé au matin. Et j’irais voir tes mains se réveiller en brassant la terre noire.

Tu sais depuis quand on est là? On est maintenant tellement calés dans la neige. Sans doute dirait-on qu’on est là depuis toujours.
Tu expires.
Profondément, tous les doutes, tout l’incertain.
Tu expires tout ça. Dans un grand nuage d’hiver blanc.
Comme il n’y a aucun vent,  il ne bouge pas. Il reste.

Je serre ta main presque imperceptiblement plus fort.
Et mon nuage rejoint le tien. Après toutes ces histoires. On se tait. Tous les deux dans ce grand nuage blanc qu’on a soufflé paisiblement.
Je comprends mieux ton récit sur ta famille.
Et j’imagine le vent plein dans leurs voiles. Près d’ici.

Il y a ce baume, et ta peur qui va. Il y a dans ma paume, un cœur qui bat.
Tu veux retrouver un semblant et ensemble semer, modestement, un peu d’humanité.

Je déchiffre bien ton incertitude envers l’avenir.
Mais j’ai lu dans ton regard qu’un jour, au matin,
J’irai me chasser le sommeil dans une petite serre,
En te regardant salir tes mains,
Et nettoyer la terre.

 

Écoute la trame, parce que :

Le fabuleux destin d’Amélie Poulin, l’éloge de la magie et du simple sont exactement ce qui a inspiré cette trame d’hiver.  La lecture s’accompagne bien de la mélodie.

 

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