
D’habitude, je suis heureux lorsqu’une personnalité publique a le courage de sortir du placard aux yeux du monde entier. Parce que oui, en 2017, ça prend encore du courage pour s’affirmer lesbienne, gay, bi, trans ou toute autre minorité de la diversité sexuelle, de genre et d’affectivité. Il y a encore énormément de personnes qui, par peur du rejet et de la discrimination, dissimulent leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Ce n’est pas moi qui vais les blâmer. Le rejet et la discrimination sont malheureusement des choses bien réelles. Bien sûr, nous sommes parvenus à certaines victoires. J’en suis heureux et je remercie du fond du cœur ceux et celles qui ont lutté avant moi pour me permettre d’avoir une vie meilleure. Cependant, c’est encore possible de perdre des proches ou des personnes auxquelles on tient parce qu’elles n’acceptent pas notre orientation sexuelle ou notre identité de genre. C’est encore possible de vivre de la discrimination dans la rue, à l’école, dans nos milieux de travail. L’ignorance, la peur de la différence et la haine n’ont pas été éradiquées magiquement après que nous ayons obtenu certains droits. Une mentalité ne change pas parce qu’un décret législatif a été émis.
J’étais tellement fier lorsque Ellen Page s’est publiquement affirmée en tant que lesbienne. Il s’agit d’une actrice hollywoodienne qu’on a pu apprécier dans Juno, Bliss, Inception ou X-Men. Dans un discours très émouvant, elle expliquait pourquoi elle était fière d’être lesbienne et pourquoi elle considérait que le dire publiquement était pour elle une obligation personnelle et une responsabilité sociale. Que par ce geste, elle aiderait peut-être à faire changer les choses et à aider les autres à vivre une vie plus simple et avec plus d’espoir. Comme elle, je crois que ce genre de sortie médiatique a un impact extrêmement positif sur des milliers d’enfants, d’adolescents, d’adolescentes et même d’adultes. À un moment ou à un autre de nos vies, nous avons tous et toutes besoin qu’on nous rappelle que nous ne sommes pas seuls et qu’il est possible pour nous aussi d’avoir de belles vies, de trouver l’amour et de nous épanouir au sein de nos sociétés et de nos communautés.
Et puis, le chroniqueur et polémiste Éric Duhaime a fait sa sortie du placard. Je ne vous mentirai pas, je n’éprouve aucune sympathie pour cet homme. S’il s’était contenté de s’affirmer fièrement comme gay, je ne serais pas en colère. Même des personnes dont on ne partage pas les idéaux ou les valeurs peuvent, en certaines circonstances ou sur certains enjeux précis, être des alliées. Mais le discours de ce cher Duhaime était bien différent de celui d’Ellen Page…
Déjà pour commencer, sa sortie du placard allait de pair avec l’annonce d’un livre autobiographique dans lequel il parlait de son expérience de l’homosexualité, pompeusement intitulé La fin de l’homosexualité et le dernier gay. D’après Duhaime, puisqu’il n’a jamais vécu de rejet ou de discrimination en lien avec son homosexualité, l’homophobie est bien terminée au Québec. À ses yeux, les organismes de défenses des droits des gay (parce que pas une seule fois Duhaime ne mentionne les autres orientations sexuelles et identités de genre), qu’il qualifie de « lobby gai », n’ont plus de raison d’être. Rangez les drapeaux arc-en-ciel, sortez le champagne et cessez de faire de la victimisation. Son discours me fait bouillir le sang dans les veines.
Éric Duhaime vit sur une autre planète. Ça ne prend pas la tête à Papineau pour constater que l’homophobie est toujours bien présente dans notre société. C’est une horrible insulte pour tous ceux et toutes celles qui la subissent, que ce soit au quotidien ou de manière sporadique, que de nier leur réalité en disant que le combat est terminé et que nous avons gagné. Malheureusement, tout le monde ne nous accepte pas tels que nous sommes. Oui, il y a du progrès si on compare le Québec d’aujourd’hui à celui des années 1950. C’est en soi une victoire qui mérite d’être célébrée, mais le combat est loin d’être gagné pour autant. Éric Duhaime a été exempté de rejet et de discrimination homophobes ? Tant mieux pour lui. Mais ça ne veut pas dire que ça n’existe plus et que les organismes de défense des droits des personnes LGBT (parce que contrairement à Duhaime, le sort des lesbiennes, des bis, des trans et des personnes intersexe, asexuelles, pansexuelles ou queer me tient autant à cœur que celui des gay) sont devenus obsolètes et inutiles. Ça veut juste dire qu’Éric Duhaime a la chance d’être privilégié.
Selon Gai Écoute, un appel sur deux a pour but de leur rapporter des agressions homophobes, physiques ou verbales. Ce n’est pas parce que nous avons obtenu certains droits au niveau juridique que notre situation sociale est soudainement devenue une partie de plaisir. Le taux de suicides dans la communauté LGBT, et spécialement chez les trans, est affligeant. Lutter contre ça, ce n’est pas jouer à la victime. Lutter contre ça, c’est refuser de l’être, justement, et refuser qu’il y en ait d’autres.
Les propos d’Éric Duhaime m’enragent, d’autant plus quand je repense au fait que tout ça, c’est pour mousser la vente d’un livre. On est loin de la responsabilité sociale sont parlait Ellen Page.