
Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:D%C3%A9bat_sur_les_langues_lors_de_la_premi%C3%A8re_Assembl%C3%A9e_l%C3%A9gislative_du_Bas-Canada_le_21_janvier_1793.jpg
Noël est enfin derrière nous. Le temps des fêtes est probablement la période de l’année la plus stressante : beaucoup de route dans des conditions pas toujours évidentes, des soupers interminables, copieux et riches en alcool, l’achat des cadeaux et le manque de sommeil ne sont pas toujours faciles à gérer. Mais le plus stressant est sans doute revoir la famille et les proches pas si proches, avec leurs idées bien arrêtées. Nécessairement, un mononcle un peu saoul va tenter de te convaincre que, si on ne fait rien, le Cap-aux-Meules va être envahi par les islamistes radicaux. Ta grand-mère va te dire que les mouvements comme #metoo ne sont qu’une manière d’attirer l’attention. Après tout, dans son temps, on endurait bien pire et on ne chialait pas. Dans ces cas, il vaut mieux acquiescer mollement, pousser un petit rire niais et laisser parler l’autre jusqu’à ce qu’il se tanne. De toutes manières, ça ne sert à rien d’argumenter; il ne changerait pas d’opinion. Pire, la discussion pourrait tourner à la chicane.
Noël est derrière nous et, avec un peu de chance, nous avons pu éviter de justesse les déplaisantes discussions de politique et de religion. Passé la frénésie du temps des fêtes, nous pouvons enfin retourner derrière notre écran et publier sur Facebook que tous les militaires sont des idiots qui ne peuvent pas prendre des décisions par eux-mêmes. Avec un peu de chance, cette publication va récolter quelques « J’aime » de nos amis. Entourés de gens qui pensent comme nous, nous avons peu de chance de nous faire contredire. Au pire, si un obscur ami du secondaire supporte l’armée et réplique à la publication, il est possible de le bloquer ou de le ridiculiser, recueillant au passage encore quelques « J’aime », toujours des mêmes amis. Qu’il est rassurant d’imposer son avis, et ce, par n’importe quel moyen.
Ce n’est pas facile de discuter et de débattre. C’est angoissant de se faire dire que notre point de vue est mauvais. Ce n’est pas agréable d’être entouré par des personnes qui ne pensent pas comme nous. Naturellement, nous nous lions avec des personnes qui nous confortent dans nos opinions, qui correspondent à l’image mentale que nous avons du monde. Nous évitons ceux qui ne pensent pas comme nous ou tentons de les faire taire le plus rapidement possible. Alors que Facebook et les autres réseaux sociaux devaient nous permettre de débattre avec plus de gens, leur effet a plutôt été d’amplifier les voix qui confortent notre point de vue et de faire taire les autres.
L’ironie ici est que le comportement que nous trouvons déplacé et choquant devient tout à fait acceptable lorsque nous l’adoptons. Nous cherchons à donner notre opinion, mais évitons d’être critiqués. Nous voulons être écoutés, mais sans avoir à écouter les autres. On rit de Trump et on le trouve fou parce qu’il ridicule tous ceux qui ne pensent pas comme lui, alors qu’on peut adopter la même attitude sans s’en rendre compte.
Pour recommencer à avoir des débats féconds, il faut intégrer dans son cercle de discussion des gens qui ne nous ressemblent pas, qui ne pensent pas comme nous. Il faut oser dire son opinion à ceux du « camp adverse » et considérer leur réponse. Sinon, les deux camps conserveront leur point de vue orienté et se convaincront qu’il faut être idiot pour ne pas penser comme eux. Mais c’est par le contact des autres qu’on enrichit notre pensée. Par exemple, le racisme nait de l’ignorance. En connaissant des individus provenant d’autres origines ethniques, en ayant un meilleur portrait statistique de l’immigration et des demandes d’accommodement raisonnable, en discutant de leurs valeurs structurantes et en comprenant comment elles se vivent réellement, il devient plus facile d’adopter une position plus nuancée à leur égard.
Pour 2018, je nous souhaite plus de discussions, plus de chicanes où le but n’est pas juste de gagner un argument, mais de trouver la réponse la plus complète et peut-être même d’apprendre. Il faut ouvrir le dialogue avec ceux qui ne pensent pas comme nous. Ce n’est pas facile au début, ça peut même être pénible, mais avec le temps, nous pouvons améliorer nos propres idées et mieux apprécier l’autre. Je te souhaite, petit militant de Québec Solidaire d’aimer la page de l’Institut économique de Montréal. Je nous souhaite un miracle : de croiser quelqu’un qui dira à l’autre dans un débat « Tu as raison. » C’est essentiel de discuter et de débattre. Mais ce l’est encore plus d’écouter.
Si tu n’es pas d’accord, dis-le-moi (poliment).