J’en ai vu plus d’une centaine

Crédit graphisme: Stéphanie Bernier

 

J’en ai vu plus d’une centaine. Des interminables. Des neigeux. Des venteux. Des effroyables. Des plus cléments aussi, parfois. Il n’y en a pas eu deux pareils. Même si dans l’ensemble on peut s’entendre sur une chose, l’hiver aux Îles, ce n’est pas comme l’été!

Une centaine d’hivers à les tenir au chaud. À les garder sous mon toit. À les abriter du vent. À les protéger des tempêtes. Je suis née en 1914 à l’Anse-à-la-Cabane. Je suis une maison madelinienne. Et fière de l’être.

Mon histoire est une histoire comme bien d’autres autour de moi. On m’a peinte et repeinte pour préserver ma couleur. On m’a entretenue, on m’a adaptée, on m’a améliorée. Si j’ai pu tenir toutes ces années, c’est certainement qu’on m’a beaucoup aimée.

Cet hiver j’ai eu une heureuse surprise. Cela faisait quelques années déjà qu’on ne m’avait pas habitée durant ces longs mois difficiles. Un jeune couple, nouvellement arrivé dans les environs, m’a tenue occupée.  L’été je suis habituée de voir passer et venir des gens qui me prennent comme point d’ancrage. D’avoir des locataires, ça me redonne de la vie.

On dit que je suis accueillante. Je garde encore les traces de mon âge. Ce ne sont pas des travers. Ce sont mes poutres. Ma stature nouvellement gagnée, on m’a fait pivoter sur un nouveau socle. J’ai un meilleur angle de vue sur la mer. Mais bien entendu, je garde un œil sur la montagne.

Pendant qu’elle peint ses toiles et s’amourache de ses plantes, il gratte sa guitare et parfume ma cuisine. Oh! Voilà de nouveaux invités. Et des convives! C’est tantôt la fête. Tantôt la détente. Mais toujours, on y est bienvenus. Les corbeaux le savent bien.

Ce sont de drôles de locataires. Encore excités par la vue du renard. Toujours intrigués par le panorama matinal d’un soleil fraichement éveillé. Et les glaces entassées, de quel vent sera fait cette journée?

Un soir de grande tempête, les voilà à s’accoutrer. Ils savourent le plaisir de danser dans la neige, qui aime tant neiger de côté.

J’en ai vu plus d’une centaine. Des hivers. Et pour lui comme pour elle, je leur ai offert leur premier.

 

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