Dégeler
Dégeler, ça veut dire qu’on va pouvoir enfin – enfin! – être dehors
vraiment être pas juste y aller
parce que la chaleur qu’on a gardée en dedans tout l’hiver
on n’aura pas peur qu’elle s’envole
par la grande porte
par les fissures de ma peau
la même fente qui siffle toujours – ffffiiiiiiiiiii –
quand le vent rentre Nord-Nord-Ouest
Dégeler cette terre prise comme un écueil flaccide étranglé par l’étau des glaces
Dégeler, ça voulait dire redevenir l’érable
des jeunesses en canisses qui s’écoulent
« c’est cool »
les visages bourgeonnés nous ruisselions
jusqu’à nous trouer une place
quelque part après les rapides
serait-ce un marais? un lac? une chute?
« chu juste ben gelé »
je ne sens plus mes racines
Dégeler cette mer grise d’hommes aux accueils acides gouvernés d’animaux rapaces
Dégeler, ça voudra dire qu’on est pognés
entre nous autres incapables mais indissolubles
survivants du rythme des rivières
les sillons de la vie qui cyclent
des marées qui montent
des glaciers qui s’effondrent
et lorsque nous ne gèlerons plus
nous en mourrons
Dégeler ce ciel de ses cirrus pour surprendre l’orage en train de fendre la lune
Dégeler, ça aura voulu dire renaitre encore – encore! –
comme un enfant-refrain
accompagné de mains chaudes qui ont eu froid
piano, violon, guitare, accordéon
les quatre saisons à venir
et qui viendront