
Il y a longtemps que je mijote ce texte dans ma tête; j’avais beaucoup à dire. Je ne trouvais ni les mots, ni la trame pour bien exprimer ce qui me restait encore au fond du cœur. Puis, ce matin-là, les mots se sont placés et j’ai pensé offrir une trame spéciale. J’ai partagé mon texte à Dominique Gagnon, De la laine pis d’la barbe, et l’ai invitée à se laisser inspirer. Merci Do, pour ta mélodie, ta voix, ton écoute et ta compréhension; je n’aurais pas pu trouver meilleure trame.
10 juillet 2015. C’était ce matin, il y a 6 ans.
Comme tous les matins, j’étais en retard! Je suis partie au travail à toute vitesse, je suis arrivée ben juste pour ma réunion. Et d’un coup, je suis juste tombée dans le vide. C’était comme un coup de ciseau sur un fil, celui qu’on a beau faire un nœud, rabouter, coller, y’a rien à faire. Ça laisse un motton tout emmêler. Ce matin-là a laissé une trace sur le fil de ma vie qui marque l’avant et l’après ton départ.
Je n’ai pas changé, je n’ai pas arrêté d’être celle que j’étais avant. J’ai juste tout remis en question. Parce que ta mort m’a amené dans les plus profondes réflexions sur la vie, la mort, la douleur, la culpabilité, l’impuissance. Encore aujourd’hui, ça me revient souvent. Ça fait 6 ans que je te garde en vie dans ma tête. Comme si me souvenir de toi, te parler, te raconter, allait apporter quelque chose au monde. Comme si ça allait donner un peu de sens à ta mort. Du sens! Du sens, pour moi, bien sûr. Parce que je n’ai pas envie que tu sois morte. Je n’ai pas envie que tu te sois juste pendue et que ce soit fini. Je n’ai pas envie que ça ait été ta décision finale.
Le sais-tu que ce move-là fait mal? Que ce qui fait souffrir, c’est de se rendre compte que tu aurais 28 ans aujourd’hui, mais que tu as seulement vécu jusqu’à 21? Le sais-tu que j’aurais aimé ça te raconter ma vie, te présenter mes amis… T’as jamais vu les nouveaux enfants de la famille? Ils te connaissent même pas. Le sais-tu que tu ne nous verras pas vieillir ? On devait vieillir ensemble! Le sais-tu que c’est moi, que c’est nous qui avons à vivre avec ça, avec ta mort? Tu ne le sais plus maintenant, mais je te l’avais dit. T’en rappelles-tu?
Je m’en rappelle moi comme si c’était hier. Tu n’allais pas bien, j’étais là. Tu voulais mourir, la vie était trop dure et moi je ressortais tous mes trucs de T.S. Je faisais ce que je pouvais pour t’écouter, te rassurer, te convaincre. J’ai fait un pacte avec toi, rester en vie jusqu’à ta fête, le 8 août. Je t’ai ressorti toutes les raisons de ne pas partir. Je t’ai dit que ça me ferait mal… Tu n’y croyais pas et je t’ai dit « Je te jure, Bi, je ne t’oublierai jamais, ça va être dur tous les jours. » La pire promesse que j’ai pu faire, parce que, quand c’est moins dur des fois, j’ai l’impression de te trahir.
C’est tout ça que je voulais te dire. La fois où tu t’es pendue, c’est la fois où j’ai le plus regretté une promesse de toute ma vie. C’est aussi la fois où ma vie a changé, où je suis juste partie vivre ailleurs parce que j’étouffais. La fois où j’ai tout perdu. La fois où j’ai dû tout reconstruire : mon courage, mon estime personnelle et professionnelle, mon espoir en la vie. Mais tu sais quoi, j’y arrive petit à petit et rien ne pourra m’empêcher de te prouver chaque jour que la vie, ça vaut la peine! Bi, je te fais une dernière promesse… Je vais en profiter pour deux de cette vie que tu ne voulais pas, je vais en profiter pour toi.
La trame :
Que c’est touchant…le suicide est tellement douloureux pour ceux qui restent 😦 Très beau texte!
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Merci Marjolaine!
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