L’insularité comme exil

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Crédit photo: Snapwire via Pexels.com

En débarquant en région en janvier, la première pensée qui s’est frayée un chemin dans mon esprit fut celle du déplacement. Je suis une fervente utilisatrice de la carte Opus ainsi que la malheureuse titulaire d’un permis d’apprenti conducteur depuis 10 ans (tsé, celui où tu dois conduire accompagné.e). Déménager dans un lieu où la simple question de me mouvoir sur le territoire se devait d’être revue, ça m’a fait un pas pire choc culturel. C’en est terminé, des excuses pour ne pas passer l’exam pratique ! Au diable, les bus de nuit et marcher pour aller au dep ! J’allais incontestablement avoir besoin d’un permis de conduire de « vrai.e adulte », ne serait-ce que pour m’abreuver en Slush Puppy bleue. J’aurais bien essayé le vélo, mais les bourrasques du Havre-aux-Basques en hiver semblent cauchemardesques même pour les automobilistes.

Y’a aussi l’histoire des bottes qui est différente du 514. Mes belles bottines fancy et délicates n’allaient pas m’être d’une grande utilité dans ce paysage désertique. Les MoonBoots en fourrure de loup-marin, elles, elles ont la cote !

« Un loup-quoi  ? », me demanderont les autres fidèles Opusiens. Un loup-marin. Ils font la manchette en février. Tsé, la fois dans l’année où le monde se découvre un semblant de conscience environnementale ? Ceuxes-là même qui prendront leur voiture pour aller au dep acheter une caisse de bouteilles d’eau et qui touristent à Playa-del-Carmen. Ça aussi, je l’ai vécu comme un choc culturel (les bottes, là; je ne suis jamais allée au Mexique). Végane-flexible, je ne pensais jamais que je ne m’offusquerais pas devant leurs pratiques. Je me suis renseignée, pis j’ai appris à vivre en accord avec ceuxes pour qui c’est tout à fait légitime. J’pense que c’était ça, ma première intégration dans mon archipel d’accueil : je suis l’Autre.

C’est drôle, partir. Ce n’est pas de prendre la décision, qui est difficile; j’ai déjà choisi plein de fois de partir. Pis je suis revenue, tout le temps. Ce qui est drôle, c’est le laps de temps entre la décision de partir et le fait de quitter comme tel. J’me couchais, la nuit, pis j’me rendais compte des p’tits détails urbains m’ayant échappé au courant de la journée. J’me demandais si j’allais les revivre un jour.

Fac-là, je partais. Je m’exilais. Au diable, l’urbanité et tous les autres synonymes qu’un bon dictionnaire aurait pu me chier. Selon ma grande expérience de la Vie, il y a trois raisons poussant les gens à quitter :

1. La Fuite, de X précis ou d’Y imprécis.
2. La Recherche, de Y imprécis.
3. Courir après X précis.

Ma raison à moi ? Un peu de tout. Comme je l’ai déjà mentionné, je pars souvent, tout le temps même. Mais j’reviens, comme un boomerang. Juste un peu plus égratignée à chaque lancée.

À la base du sentiment qui me pousse à partir, c’est le besoin de décâlisser. Certain.e.s ne voudront partir qu’une semaine, le temps de retravailler leur bronzage sur les plages de Playa-del-Carmen. D’autres se rendront en backpack dans des contrées lointaines pour y vivre l’expérience de la balade en éléphant et terminer gelés raide à regarder des cracheurs de feu pendant le New Moon Party.

Pis y’en a d’autres, comme moi, qui ne fuient rien de précis, hormis l’ennui. On ne cherche rien de précis non plus, mis à part le bonheur. C’te mot-là, il est gras en bouche. Il patauge un peu, pis y colle, comme du beurre de pinotes. Me semble que j’y mettrais un g quelque part là-dedans. Bonhgneur. Yes. Ça, c’est mieux. Être heureux ou heureuse dans son bonhgneur. La quête de ma génération. Mon bonhgneur, je l’imagine dans l’exil, l’exil sur des Îles.

C’est ça qui est fabuleux, avec l’exil. T’es la personne qui part à l’aventure et à la rencontre des nouvelles expériences. J’te dis pas que ça sera toujours le fun, ni même facile, et ça peut franchement être déplaisant par moment. Par contre, tu ne partiras pas seulement à la rencontre des autres : tu partiras aussi à ta propre rencontre. Pis sur un archipel de 12-13 mille personnes, t’es rapidement confronté.e à toi-même.

Ce texte est une collaboration spéciale de Marie Hamel.

Trame: Un bout de temps (Live) – Alexandre Poulin

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