Enlève ton burkini et montre-nous ton nombril!

Titre : Burkini Crédit : Giorgio Montersino, https://www.flickr.com/photos/39442289@N00/3711962801/
Titre : Burkini
Crédit : Giorgio Montersino, https://www.flickr.com/photos/39442289@N00/3711962801/

Commençons par une expérience de pensée. Par une belle journée d’été, vous vous promenez sur la plage de la Dune du Sud. Vous y croisez quelqu’un se baignant complètement habillé. Vous vous dites : « Pas de stress. Il veut se protéger du soleil. Il est gêné. De toute manière, qu’est-ce que ça me change ce qu’il porte à la plage? C’est peut-être mieux que de voir son gros ventre qui ne pourrait jamais faire la couverture d’un magazine. »

Pour l’instant, l’histoire est banale. Changeons un peu les paramètres. Par la même et belle journée d’été, vous croisez à la Dune du Sud une femme se baignant avec un burkini. Vous vous écriez : « Scandale! ». Pourquoi?

Évidemment, les deux situations ne sont pas pareilles. Dans le deuxième cas, on peut y voir une manifestation de l’oppression de la femme, ce qui est totalement inadmissible dans un pays valorisant l’égalité entre les hommes et les femmes. Le burkini devrait donc être interdit. Mais est-ce que cet argument tient la route?

Pour s’en assurer, il faut évaluer l’état réel de l’égalité entre les hommes et les femmes au Québec. Au point de vue du salaire, les femmes gagnent encore moins que les hommes, de 10 % à 20 % selon les études. De même, les emplois à prédominance féminine ou sans prédominance ont salaire moyen moins élevé que les emplois à prédominance masculine. Bien que l’écart rétrécisse, la situation est loin d’être réglée. De manière générale, les femmes occupent moins les postes de pouvoir que les hommes. Elles sont moins nombreuses en politique et à la tête d’entreprises.

Les conditions sociales favorisent cet écart. Les tâches ménagères, celles qui ne sont pas rémunérées, sont encore majoritairement dévolues aux femmes. Les hommes sont responsables de faire rentrer l’argent dans le ménage.

Évidemment, la situation salariale n’est rien comparativement à ce qui se passe à la maison, dans les relations plus intimes. Les femmes voilées sont soumises à leur mari et peuvent être victimes de violence, spécialement si elles viennent de pays pratiquant encore la lapidation. Or, au Québec, 80 % des victimes de violence conjugale sont des femmes. Pire, une femme sur trois sera victime d’agression sexuelle au cours de sa vie. Pour les hommes, la statistique se situe à un sur six.

Le problème pourrait tenir du fait que ces femmes affichent publiquement leur infériorité par un uniforme. On ne s’obstine pas uniquement sur un bout de tissu, mais sur un symbole. Derrière le burkini se cache un enjeu politique plus important. En leur dictant comment s’habiller, la religion musulmane opprime les femmes. Ici, trois points méritent d’être soulevés. Premièrement, il est difficile de savoir si la femme est réellement opprimée ou si elle choisit librement de porter le burkini pour montrer son appartenance à la religion musulmane. Évidemment, ce point n’est pas nécessairement le plus convaincant pour celui qui défend la laïcité la plus radicale. Deuxièmement, forcer une femme à enlever ses vêtements religieux revient encore à la forcer. C’est comme si on forçait quelqu’un à être libre en le contraignant. Troisièmement, si le burkini est considéré comme un signe de domination masculine, il est grand temps de se demander si les femmes au Québec sont réellement libres de porter ce qu’elles veulent. La pression à porter des vêtements moulants, à montrer son corps de plage, à montrer son nombril dans un bikini sexy constitue aussi une forme de domination masculine. Elle est plus subtile parce qu’elle est insidieuse. Nous l’avons intériorisée. Or, l’obligation d’être sexy n’est valable que pour les femmes. Une bonne bédaine d’homme sur la plage aura toujours sa place. Mais certainement pas celle d’une femme. De plus, au Québec, cette pression touche bien plus de femmes que l’obligation de porter le burkini. Ainsi, c’est un peu comme si nous disions : « Enlève ton burkini et montre-nous ton nombril! »

Finalement, il est toujours possible de dire que, si une Québécoise allait dans leur pays, elle serait obligée de se couvrir à la plage et de porter le burkini. Alors, ici, on peut les obliger à respecter notre code vestimentaire et à enlever leur burkini. Il faut se plier aux traditions du pays qui nous accueille, après tout. Or, la tradition au Québec n’est-elle pas justement de laisser tout le monde porter ce qu’il veut dans la sphère privée? Seules les personnes ayant des fonctions importantes et d’autorité doivent préserver une forme de laïcité. Mais une sœur à la plage avec un crucifix ne se fera jamais dire de rentrer chez elle ou d’enlever tout symbole religieux. Ainsi, face à nos propres contradictions, une question se pose : Voulons-nous sérieusement libérer la femme ou plutôt qu’elle adopte des comportements et des habillements comme les nôtres?

Dans ce débat, il est grand temps de se regarder le nombril et de ne pas embarquer dans le jeu qu’on prétend justement combattre. Avec l’ouverture des frontières doit suivre l’ouverture des esprits. Également, il faut se rappeler que voir des musulmanes partager les mêmes plages que nous, c’est bien le signe d’une volonté d’intégration.

Ce n’est pas demain le jour où on verra un burkini sur les plages des Îles. Quoiqu’il ne faudrait pas se surprendre; même les musulmans ont du gout et pourraient vouloir découvrir notre beau coin de pays.

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