Je l’ai dit souvent, je le dis encore, je le dirai (probablement) toujours : les Îles-de-la-Madeleine forcent à l’authenticité. Je ne parle pas seulement des gens d’ici. Je parle de cette nature intimidante, cette mer forte, et surtout ce vent qui vous renvoie tout dans la face. Les soirs d’orage nous le rappellent : le temps ici – mais c’est vrai ailleurs aussi, bien sûr – est plus fort que nous. À quoi bon faire semblant alors? À quoi bon être quelqu’un d’autre que soi dans ce petit monde-là?
Ce serait être chauvin que de dire que tout le monde est vrai et authentique aux Îles. Comme dans n’importe quelle société, il y a chez nous du bon comme du mauvais, de l’ordinaire comme du fabuleux. Ce que j’affirme, c’est que vivre une année aux Îles, une vraie de vraie, avec la solitude de l’hiver et l’effervescence de l’été, c’est se faire face à soi-même. Je ne crois pas qu’on puisse y échapper. Est-ce que tout le monde le fait? Je ne pense pas. Mais je crois qu’il est difficile d’être heureux aux Îles sans faire d’abord la paix avec soi. Qu’on soit né ici ou ailleurs.
Une majorité de gens ici a le talent de vous voir au travers, et pas seulement pour écornifler. Une amie me disait dernièrement qu’elle avait rarement vu une population aussi sensible. Je crois que c’est en partie vrai. Grandir sur une île crée probablement un certain sentiment de solidarité, de proximité, de familiarité à coup sûr. J’entends souvent que la palabre est un sport national. Ce qui me fascine, c’est d’où il est né, ce sport. C’est une de mes plus belles (re)découvertes : jaser avec des Madelinots plus âgés vous fait réaliser que cet intérêt pour l’autre, pour ce qu’il fait et ce qu’il devient, il est né d’une époque où les gens avaient peu, et où le voisinage était encore synonyme d’entraide. Si cet intérêt pour l’autre a pu se transformer avec les générations et les décennies, je crois qu’il reste un vrai fond d’intérêt, une vraie solidarité.
Mon collègue Jean-Étienne disait il y a quelques semaines qu’on n’a pas besoin de voyager loin pour voir du pays. J’ajouterai qu’on n’a pas non plus besoin d’aller très loin pour se faire brasser la cage. Pour arriver aux Îles, il faut être prêt à faire face au meilleur comme au pire de nous-mêmes. En un an, je dirais que j’ai goûté aux deux. Je suis arrivé ici avec l’intention de régler beaucoup de choses qui ne marchaient pas dans ma vie. Après quelques mois j’étais épuisé, et j’ai fait face à une, voire plusieurs, de mes plus grandes peurs, de ces choses que j’avais repoussées toute ma vie. J’ai pleuré, j’ai perdu le sommeil, j’ai été malheureux. Mais ensuite (et même pendant), j’ai aussi ri, j’ai aussi connu des joies que je ne croyais jamais avoir le droit de vivre. J’ai pris des risques, j’ai respiré un bon coup, et j’ai surtout été soutenu par des gens extraordinaires, vrais.
Les Îles, elles ont tout ça en dedans, ce pouvoir de vous envoyer un coup de vent dans la face au bon moment, et une tape dans le dos le lendemain. Comme l’orage qui fait peur le soir, et le soleil du matin, qui nous fait tout pardonner.
Quel beau texte! Pour moi, c’est l’essence même d’être des Iles et de vivre aux Iles…
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Fort beau résumé! Pas de sensiblerie mais de la sensibilité là où il faut. Que du vrai. Merci de ce partage!
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